Le viaduc baptisé « Viaduc 5 400 » de 5,4 km est livré aujourd’hui à La Réunion, l’occasion de se pencher sur ses enjeux techniques et environnementaux.
Le projet de la Nouvelle Route du Littoral (NRL) où nos équipes interviennent en maîtrise d'œuvre complète depuis 2011 commence à se finaliser. La livraison du viaduc 5 400 est une première étape, avant son ouverture à la circulation. Retour sur ce projet colossal.
Une prouesse technique unique au monde
Cette voie en pleine mer qui reliera Saint-Denis à La Possession permettra d'évacuer le risque de chutes de pierres sur la route actuelle et de résister à la houle et aux cyclones.
Ce projet hors norme est déterminant pour la sécurité des usagers et pour le développement économique de l'île. Et pour cause, la Nouvelle Route du Littoral va constituer le nouvel itinéraire privilégié pour relier la capitale administrative de Saint-Denis au Port de commerce de La Possession, sur la côte ouest, en remplacement de l'actuelle route côtière jugée trop dangereuse du fait des éboulements fréquents le long des falaises et des assauts réguliers de la houle.
Le viaduc de la Nouvelle Route du Littoral possède toutes les caractéristiques d'un chantier hautement technique : le gigantisme et la complexité des ouvrages à construire en mer, loin de la falaise, sur une hauteur d'eau comprise entre 5 et 12 mètres, dans une zone très exposée aux houles cycloniques, la forte intégration des enjeux environnementaux et l'ampleur des moyens à mobiliser sur place, tant en expertise qu'en savoir-faire, sont autant de paramètre à prendre en compte.
Un chantier à l'épreuve des éléments
Situé sur le littoral Nord de la Réunion, le chantier est soumis à des conditions de mer particulièrement difficiles. Les efforts exercés par la houle sur les piles, les aléas météorologiques (cyclones, alizés…), les risques sismiques, même faibles, sont à prendre en compte dès la conception de l'ouvrage. Les exigences de qualité de l'ouvrage doivent être optimales pour assurer sa durabilité dans un milieu maritime salin extrêmement agressif pour les structures.
Le plus grand pont en mer de France
Un pont inébranlable et adaptable aux modes de transports collectifs
Plongé dans plus de 10 m de profondeur d'eau, il est le plus grand pont en mer de France. Il a été dimensionné pour résister, entre autres, aux houles cycloniques centennales, aux chocs de bateaux et permet de supporter jusqu'à 6 voies de circulation, dont deux pour un transport en commun en site propre de type tramway et cela pour une durée de 100 ans.
Le tablier du viaduc, porte 2 fois 3 voies et est adaptable à l'évolution future des modes de transport collectifs. Ce type de structure a nécessité de notre part des calculs aux éléments finis complexes pour déterminer les formes et les dispositions constructives juste nécessaires.
Une conception garantissant une structure fiable, éprouvée et durable
D'une façon générale, notre conception a été orientée vers la simplicité afin de faciliter les préfabrications et l'industrialisation des processus constructifs. Notre but était d'obtenir des structures fiables, éprouvées et durables. En matière de béton, les formules ont été spécialement élaborées pour un site maritime très agressif.
Des moyens matériels adaptés a l'envergure du projet
Pour ériger le viaduc du littoral à une hauteur de 20 à 30 m au-dessus du niveau de la mer, des moyens matériels exceptionnels ont été mis en œuvre. Parmi eux, une méga-barge baptisée Zourite – pieuvre en créole réunionnais – grande comme un terrain de football pour la construction des piles en mer, et la plus grande poutre de lancement au monde faisant 278 m de long et pesant 2500 tonnes (⅓ du poids de la tour Eiffel !), pour poser les 1386 voussoirs acheminés sur des fardiers pour la construction du tablier.
Un chantier écoresponsable
Des rideaux pour les mammifères marins
Préalablement au début de chaque phase de travaux bruyants, nos équipes se sont assurés de l'absence de cétacés dans la zone, monitorée 24h/24, 7 jours/7. De plus pour respecter les seuils très stricts imposés, nous avons déployés des moyens techniques conséquents, tels que des écrans acoustiques sous-marins (rideaux à bulles) au niveau des sources bruyantes. Quant aux seuils acoustiques à ne pas dépasser, ils sont issus de la réglementation allemande, réputée la plus contraignante au monde.
Le double usage des piles du viaduc
6 piles du viaduc principal ont été écoconçues afin de constituer des zones de nurseries et, plus au large, des écorécifs ont été disposés pour permettre un développement écologique durable dans toute la zone du projet.
Des nuits d'encre pour les pétrels
Autre enjeu majeur : préserver l'avifaune marine de toute nuisance lumineuse. Cela s'est traduit par 50 jours d'interdiction d'éclairage par an, de décembre à avril, pour limiter les risques d'échouages. Le reste de l'année, les lumières, de couleur jaune orangé, sont orientées vers le sol afin de ne pas attirer ni désorienter les oiseaux.